La guerre souvent annoncée — souhaitée ou crainte selon les parties en présence — entre réseau social d’entreprise et communication interne n’aura pas lieu, et c’est Facebook et Le Monde qui nous le disent. Ils nous montrent un des chemins de collaboration possibles.
L’arrivée du réseau social interne dans les organisations vient challenger les systèmes en place et soulève de très nombreux débats. Les sujets en sont pléthore : fluidification des processus de décision, partage de l’information… Les plus fanatiques promettent le grand soir de la transformation managériale. Ils annoncent aussi l’agonie et la fin d’une cible toute trouvée : la fonction communication interne.
Car en effet dans cette vision d’une entreprise « déverticalisée » que promet le RSE, tout le monde (salariés, responsables de projet et autres managers) aura la capacité de produire son propre contenu en ligne. Chacun s’abonnera aux infos, communautés et autres flux de travail qui lui iront bien, communiquer deviendra « natif ».
La fin de la com interne ?
Il n’y a alors qu’un pas, allègrement franchi par bien des DSI et autres prédicateurs du change management, pour venir souffler à l’oreille des décideurs que la communication interne et son dispositif médiatique « traditionnel », coûteux vestiges du monde d’avant, pourront bientôt être archivés quelque part entre les fax et les disquettes.
Les communicants internes sentent plus ou moins confusément que le sujet est plus complexe, que raisonner « outils » ne suffira pas, que le contenu a un poids et qu’au cours des précédentes révolutions des entreprises, un effet balancier a toujours fini par replacer le sens avant l’outil. Chahutés une fois de plus sur leur légitimité, ils peinent à être audibles avec ce discours qui n’a d’autre effet que d’accélérer leur ringardisation. Ils cherchent des voies d’existence qui se muent, trop souvent, en postes de résistance. La bataille s’ouvre alors : budgets, gouvernance, influence…
Tous détiennent une part de vérité, bien sûr. Mais les uns et les autres oublient au passage la seule question utile : quel est le besoin/ l’intérêt des collaborateurs dans cette affaire ?
Quand Facebook et Le Monde s’auto-promeuvent
Un événement récent qui nous vient du monde extérieur nous raconte une histoire éclairante, pouvant peut-être faire bouger les uns et les autres dans leurs postures. Huit médias français, dont Le Monde, ont accepté début 2017 de collaborer avec Facebook pour réduire la présence de fausses informations sur le réseau social. L’annonce en a été faite par l’entreprise américaine, soumise à d’importantes pressions pour lutter davantage contre la prolifération de fake news, notamment depuis la dernière campagne présidentielle américaine.
Ce géant d’un GAFA pourtant longtemps désigné comme l’un des bourreaux mortifères des médias traditionnels, leur a tendu la main et réclamé une collaboration rendue nécessaire pour protéger les internautes. Facebook revendique désormais son rôle de pure plateforme, de passeur, et s’appuie sur la presse traditionnelle pour fact-checker les contenus signalés par les internautes, les remettre dans le contexte, redonner le sens.
Les réseaux sociaux et les médias traditionnels ont donc inventé une voie utile de renforcement mutuel. Face un objectif commun (protéger), et au nom d’une cible commune (les français), la solution correspond à un besoin réel. Elle s’appuie sur le cœur de compétence des parties en présence ; elle respecte leurs intérêts. Elle est donc juste frappée au coin du bon sens.
Co-construire le renforcement au nom du collaborateur
Je suggère qu’il est possible et utile de s’inspirer de ce fait, de l’appliquer à l’interne et dépasser ainsi les clivages traditionnels pour investir de nouveaux territoires de renforcement mutuel. Certes, il n’y a pas – encore – de chasse aux fake news en interne ! Mais les similitudes sont nombreuses : les acteurs en présence et leurs cœurs de compétences, les guerres d’influence, l’intérêt du client, etc.
RS interne et com interne sont face à un objectif commun : réussir la transformation de l’entreprise. Ils ont un client commun identifié, le collaborateur, étant également parfois manager. Celui-ci doit être gagnant, non plus écartelé dans un empilement illisible de dispositifs et d’injonctions qui « tirent à hue et à dia », mais guidé, informé et rassuré suffisamment pour avoir envie de faire un pas vers de nouvelles façons de communiquer et de collaborer.
Il faut donc inventer une nouvelle gouvernance, définir les rôles complémentaires de chacun pour viser l’efficacité.
Le moment est favorable :
- L’intérêt des collaborateurs à se voir offrir des dispositifs cohérents et directement utiles à leur quotidien professionnel est urgent.
- Les dispositifs traditionnels se sont adaptés ; ils sont en général de qualité et resteront robustes et pertinents encore le temps qu’il faudra.
- Le terrain du collaboratif / social est encore meuble car les usages des plateformes sont loin d’être identifiés, moins encore ancrés. Que viendront-ils remplacer ? Enrichir, compléter, inventer ? Quelles parties du fonctionnement de l’entreprise viennent-ils impacter ? Cela reste à écrire, à plusieurs mains !
Les premiers acteurs de ce travail de coopération sont les responsables du RSE, les communicants internes, les acteurs de la relation client qui viendront rappeler le besoin du « vrai » collaborateur, les marketeurs et autres data scientists, utiles pour leur vision disruptive, et bien sûr les acteurs de la transformation RH : formation, RRH, etc.
Proposer ces voies nouvelles de coopération viendra d’ailleurs utilement faire exemple auprès des décideurs et du management le plus attentiste. Sortant des pré-carrés et des luttes d’influence, une autre façon de travailler est possible. CQFD.
La réussite d’un tel projet réside dans la capacité de l’entreprise à résister aux sirènes des solutions toutes faites, qui ont l’avantage d’être convaincantes en « bullet points » (c’est dit, c’est fait) et l’inconvénient de ne pas traiter la systémique générale de l’entreprise, conduisant donc le plus souvent à un échec partiel ou total.
Ajuster au réel une complémentarité utile et augmentée d’une plus forte valeur humaine, tel est le pari !
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